Avr 252015
 
Denis Tillinac

AFP / Jean-Pierre Muller

« Quand Big Brother se pare de compassionnel pour contrôler notre santé physique ou mentale, et punir les récalcitrants ».

Cela commence bien, et c’est le « chapô » du billet hebdomadaire de l’écrivain-éditeur-journaliste-fumeur Denis Tillinac dans Valeurs actuelles. Lequel s’attaque à une certaine façon de s’occuper de notre santé (vous voyez de qui et quoi on parle …). Il y a du parti-pris politique (on sait de quel côté penche beaucoup Valeurs Actuelles). Mais c’est dit avec suffisamment de style pour que ça vise juste. Un coup de gueule à la hussarde.

« La Confrérie de Jean Nicot organise, le mois prochain, un colloque en Sologne sur la tolérance et la liberté. Le fumeur invétéré que je suis salue fraternellement cette confrérie et approuve son initiative. Je n’ignore nullement la nocivité du tabac. « Fumer tue » est-il écrit sur mes paquets de cigarettes. Sans doute. Mais vivre tue, Heidegger a beaucoup disserté sur le sujet.

« Les non-fumeurs aussi cassent leur pipe. Si je chope un cancer, je ne m’en prendrai qu’à moi-même et ne poursuivrai pas devant les tribunaux les producteurs ou les marchands de tabac. J’en ai un peu marre de me congeler, l’hiver, devant les seuils des restaurants ou sur les quais de gare, effet collatéral à cette traque incessante du législateur qui entretient l’exaspération ambiante.

« Aucune femme majeure n’est obligée de devenir mannequin. Mais si elle fait ce choix, elle doit se plier aux exigences des concepteurs de la mode vestimentaire, quoi qu’on pense de leur goût pour les silhouettes androgynes. Aucun sportif majeur n’est obligé de se doper. Mais s’il succombe à cette tentation en vue d’améliorer des performances, il doit en accepter les éventuels dommages pour sa santé. Ça ne regarde que lui.

« Chaque jour ou presque sort une loi qui amenuise l’espace de la liberté. Donc marginalise le sens de la responsabilité. Libre à chacun de finir cirrhotique à force de picoler. Libre à chacun de ne pas aimer les Auvergnats, les Scandinaves, les Chinois, telle religion, telle philosophie. Dans le sillage du principe de précaution, des lois sur la « repentance », et de la diabolisation des intellectuels, entrés en dissidence, se profile une société totalitaire sur les bords.

« Big Brother se pare de compassionnel pour contrôler notre santé physique et mentale et punir les récalcitrants. En nous prenant par la main pour traverser l’existence, il démonétise le respect d’autrui et les délicatesses de la sociabilité, qui relèvent d’une attitude personnelle. En poussant à la judiciarisation du moindre conflit, il prédispose à la veulerie, à la méfiance et à la mauvaise foi. En balisant nos jours, il proscrit les griseries de l’aventure.

« Pour que la vie soit romanesque, il faut prendre des risques et en assurer les conséquences. Elle n’est pas supportable avec la menace de ce revolver braqué sur nos tempes par des bigots acharnés à définir notre bonheur. Aggravée par les directives à flux continu de la bureaucratie bruxelloise, cette manie de menotter nos jours finira par nous rendre allergiques à la démocratie.

« Régenter l’humain depuis le berceau jusqu’aux pompes funèbres en corsetant ses désirs, ses fantasmes, ses rêves, ses aspirations idéales ; asséner avec la force de la loi les normes de sa moralité, de sa culture, de sa sexualité, cela porte un nom : le socialisme. Dieu préserve l’humanité de sa chute dans un univers où les individus seraient socialisés dans toutes leurs instances. Notre part la plus précieuse et la plus noble n’est pas socialisable et ne le sera jamais.

« Certes, nos gouvernants rose bonbon ne visent pas si loin; ils se bornent à nous emmailloter dans un carcan d’irresponsabilité tiédasse et douillet. La finalité, inconsciente ou inavouée, n’en consiste pas moins à encaserner les cœurs pour banaliser les âmes, et ça passe par l’érection des barbelés législatifs.

«  Pris un à un, les attendus de la sollicitude sont anodins voire gentillets. On peut vivre sans tabac, sans alcool, sans ortolans. On peut vivre sans s’adonner à la drague. Tôt ou tard un texte la codifiera. Le puritanisme bobo-socialo-écolo a de la suite dans les idées. Il prémédite notre réclusion ad vitam dans une prison clean, cool et hygiéniste jusqu’au délire, sous haute surveillance de ses idéologues et avec le concours de ses médias. Plus de maigres, plus d’obèses : tous calibrés sur le même modèle « égalitaire » et « citoyen ». Relisez les classiques, c’est bel et bien le projet du « vivre ensemble socialiste ».

« Malheureusement, les gens de droite pour qui l’on vote n’ont guère conscience de ce péril quand ils ne donnent pas dans les panneaux du Care soi-disant protecteur. Mieux vaut miser sur un ras-le-bol populaire qui obligera gauche et droite à ne plus nous emm … ».

 Laisser un commentaire

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

(obligatoire)

(obligatoire)