C’est ce lundi 9 novembre que les députés planchent en commission sur le sort du « totem » de Marisol Touraine : le paquet « gore », appellation plus réaliste et moins aseptisante que paquet neutre.
Le compte à rebours commence, avant le vote définitif à partir du 16 novembre. Angoisse après le vote « limite » des députés en sa faveur et le non catégorique des sénateurs (voir Lmdt des 4 avril et 16 septembre).
Pour nous rassurer ou en rajouter, un rapide tour d’horizon des dernières prises de position repérées dans les médias.
• Les buralistes ont continué à crier haut et fort – déterminés et imaginatifs – leur opposition totale avec leur quatrième mobilisation nationale, ce lundi 2 novembre (voir NS 13 du 1er novembre). Trois jours après, en réplique, les anti-tabac lancent un « appel des 40 » signés par les organisations représentant les victimes du tabac et la lutte contre le tabagisme … Enfumage. Quand on décrypte la liste, il n’y a que des médecins et des associations anti-tabac.
• Parmi ces grandes voix, il y a le pneumologue, Bertrand Dautzenberg, qui dans une tribune dans Libération (7 novembre), nous annonce qu’il veut « notre liberté » et que la loi de Santé « n’impose aucune contrainte aux fumeurs » tout en souhaitant … la fin de la vente du tabac.
• Un journaliste indépendant (pigiste du Canard Enchaîné et auteur de « Arrêtez de nous enfumer »), Denis Boulard, continue de dénoncer l’hypocrisie « sur la guerre officiellement déclarée au tabac » dans une tribune publiée sur Libération.fr (6 novembre). Absence d’études probantes sur le paquet neutre en Australie, effet pervers de la fiscalité en France, risques sur la contrefaçon … « Autant d’éléments que Marisol Touraine ne peut ignorer. Mais pour la ministre, l’essentiel est peut-être ailleurs. Bien loin du sort des toujours trop nombreuses victimes du tabac. Avec l’instauration du paquet neutre, son nom serait dorénavant associé à une « grande » loi, dans la lignée des textes, eux réellement historiques, Veil et Evin. La danse macabre peut continuer ».
• Une touche d’histoire d’Éric Godeau (historien, thésard sur le tabac en France et auteur de deux livres dont un livre d’images « Un monde parti en fumée »), sur ce 6 novembre. Le tabac s’est imposé hors du « marketing » : du 16e au 19e siècle, le tabac n’était pas vendu en paquet, mais « débité » à partir de carottes (feuilles tressées de tabac) – terminologies qui perdurent – ou sous forme de poudre.
Les cigarettes apparaissent à partir de 1840 … et il faudra attendre le mode de consommation du 20ème siècle pour que la vente de tabac avec marque et paquet s’impose. Dans l’entre-deux guerres, les paquets arboraient encore des couleurs correspondant à la qualité du tabac (bleu pour le « goût caporal » le plus courant, rose pour le « caporal supérieur », violet pour le « goût oriental »).
L’âge d’or du marketing pour les cigarettes (comme pour tout autre produit de grande consommation) correspond aux « Trente glorieuses ». Paquet ou pas, la consommation de tabac en France n’a cessé d’augmenter … jusqu’à la loi Veil de 1976 (préventive) et la loi Evin de 1991 (partiellement répressive). Pas très convaincu sur le paquet neutre cet historien.