Nov 212017
 

Ah tout de même ! Les voix s’élèvent contre les intentions de la ministre de la Santé (toujours son côté maîtresse d’école) de gommer la cigarette dans les films français.

C’est à nouveau le philosophe Raphaël Enthoven (voir NS 13 des 13 avril 2017, 4 novembre 2016 et 26 décembre 2015) qui a dénoncé avec le plus de pertinence et de verbe cette tentation du « Big Brother sanitaire » sur Europe 1, ce 20 novembre dans « Le fin mot de l’info ».

« Qu’une ministre de la Santé lutte contre le tabagisme, c’est l’évidence. Mais que pour ce faire, elle prévoit de s’en prendre au « marketing implicite des films qui en banalisent l’usage, c’est un attentat contre la création cinématographique. Et la noblesse de l’intention n’excuse pas l’infamie.

On ne demande pas à une fiction de produire de la vertu sous peine de basculer dans l’ordre moral. Il ne s’agit pas ici de lutter pour la santé ici, il s’agit de soumettre la création au bien, c’est-à-dire à l’idée qu’on s’en fait.

L’enjeu, ce n’est pas la lutte contre le tabac, c’est le droit exorbitant que la morale se donne d’évaluer une œuvre selon ses propres critères.

L’enjeu, c’est la censure qu’un pouvoir en place annonce, tranquillement, sous prétexte de santé publique. Car après avoir demandé à la ministre de la Culture de couper les vivres aux scénaristes à clope, Agnès Buzyn demandera-t-elle au ministre de l’Éducation nationale de supprimer toute trace de cigarettes des manuels d’histoire.

Dans ce monde où l’on tient les gens comme influençables et qu’on repeint en « rose bonbon » pour en effacer la noirceur, va-t-on effacer la pipe de Jacques Tati ou de Claude Chabrol, la cigarette de Truffaut, de Gabin ou de Gainsbourg. Comme Staline ordonnait qu’on effaçât les visages des dignitaires devenus « ennemi du peuple ». Jusqu’où s’étendra le cancer de l’hygiénisme ?

L’enjeu ici, c’est le pouvoir que le pouvoir se donne. C’est-à-dire de supprimer la cigarette des écrans qui, au grès d’un changement de majorité, deviendra demain le pouvoir d’en supprimer les scènes homosexuelles, les scènes de racisme ou les scènes carnivores.

(…) Soumettre l’art à l’idée que l’on se fait du bien public trouve son dernier avatar chez notre ministre de la Santé, qui avec les meilleures intentions du monde s’apprête à passer au karcher les poumons du cinéma.

Injecter de la morale dans l’art, c’est comme verser du coca dans un « Château Lafite ».

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