« Les filles en ont marre de la cigarette électronique et des minets qui vapotent de la banane … » Certaines révolutions silencieuses déplacent les lignes en douceur : ainsi, les ventes de pipes connaissent une croissance insolente, qui témoigne de l’émergence d’un nouveau dandysme, annonce Marianne dans sa dernière édition. Extraits.
•• (…) Depuis quelques années, on sentait déjà le vent tourner, de plus en plus de femmes et de jeunes s’adonnent à l’art oublié de fumer la pipe, comme s’ils trouvaient dans cette activité solitaire une manière d’affirmer un style de vie, une philosophie.
La crise sanitaire a confirmé la tendance. « Pendant le confinement, comme les gens s’ennuyaient et avaient besoin de réconfort, les ventes de pipes ont littéralement explosé », assure Marie-Aurélie Favre, actuelle propriétaire de la (probablement / ndlr ) dernière boutique de France à fabriquer, vendre et réparer les pipes : « À la Pipe du Nord », boulevard de Magenta, à Paris.
•• Pour le fumeur, la pipe est un bel objet qui réclame des soins, c’est l’extension de son vêtement. Aussi évite-t-il généralement de fumer en tongs et en tee-shirt. Surtout, la pipe ouvre à la réflexion et à l’intériorité : « c’est un problème à trois pipes, je vous prie de ne pas me déranger pendant 50 minutes », disait Sherlock Holmes au docteur Watson.
•• (…) Le fumeur de pipe est stratège (comme Staline / Marianne ayant pu trouver meilleure référence – ndlr), scientifique (comme Einstein), philosophe (comme Bachelard), poète (comme Rimbaud), sensuel (comme Simenon), peintre (comme Van Gogh), séducteur (comme Clark Gable) : tous des témoins de leur temps !
Dans les civilisations anciennes, la pipe était un instrument d’élévation spirituelle autant que de convivialité. Chez les Indiens d’Amérique du Nord, le calumet fumé collectivement scellait la paix entre les tribus en guerre.
•• Les plus vieilles pipes découvertes par les archéologues datent des civilisations précolombiennes du Mexique. Le premier Européen à avoir fumé la pipe avec du tabac d’Amérique fut le marin et compagnon de Christophe Colomb, Rodrigo de Jerez, en 1498.
Il fut pour cela jeté en prison par l’Inquisition, qui considérait le tabac comme diabolique. Ce qui n’empêcha pas la pipe de se répandre partout en Europe (…)
•• Tandis qu’aujourd’hui les bureaux de tabac exhibent des images atroces de langues et de poumons rongés par le cancer, fumer la pipe était alors considéré comme un acte médical !
Catherine de Médicis fumait pour lutter contre ses migraines, Richelieu fumait contre la mélancolie … Les médecins préconisaient le tabac contre la toux, les rhumatismes, les coliques, les vertiges.
•• En confondant le bon tabac à pipe naturel (introuvable, ou presque, en France) avec le tabac à cigarettes industriel qu’on trouve dans le commerce, nos actuels maîtres censeurs de l’école de médecine ont jeté l’opprobre sur un art de vivre millénaire et universel. Il est temps de le réhabiliter (…), suggère en guise de conclusion (et au second-degré) l’hebdomadaire.