Clin d’œil humoristique d’un journaliste canadien (Yves Boisvert, La Presse) couvrant les Jeux Olympiques. Il est fumeur. Tout comme un certain nombre de personnes qui accompagnent les délégations aux JO. Retour d’expérience.
Tiens, une file. Ils sont une dizaine, dans la cour intérieure très zen du centre des médias. Pourquoi font-ils la queue, quelle que soit l’heure ?
•• Ils attendent leur tour pour pénétrer dans un rectangle délimité par des arbustes. C’est le coin fumeur. Il n’accepte que six grilleurs de clopes à la fois, chacun dans ses 4 mètres carrés. Pour savourer pleinement ce moment de détente en plein air, les fumeurs tournent le dos à la file. C’est pas super relaxant de voir dix gars et filles taper du pied en attendant qu’on ait pris sa dernière taffe.
•• Pourtant, on est « dehors », même si l’endroit est encadré d’édifices. Mais voyez-vous, au Japon, c’est dehors qu’on n’a pas le droit de fumer, et c’est en dedans qu’on peut allumer.
J’exagère, mais pas tant : il est interdit de fumer sur les trottoirs à Tokyo, mais on peut encore trouver des cafés, des bistros et des bars où il y a une zone fumeurs. La loi interdit depuis deux ans de fumer dans les restos, mais comme souvent au Japon, il y a des exceptions, des interprétations et des moyens de contourner l’interdiction.
Il faut dire que les trottoirs, quand on n’est pas en été de pandémie, sont densément peuplés, et l’interdiction sert autant à ne pas enfumer le voisin de gauche qu’à ne pas brûler le voisin de droite. Il n’en reste pas moins que pour l’Occidental, il y a un certain étonnement à voir des carrés « fumeurs » où sont rassemblés pour quelques instants les fumeurs urbains.
•• Il va de soi qu’on n’écrase pas ses mégots dans la rue, pas plus qu’on ne jette des déchets sur le trottoir. Qui ferait une chose comme ça ? Appelons la ville, Tokyo la nette. Plus propre que ça, tu fais des opérations à cœur ouvert dans un parking ou des concours de léchage de bancs de parc.
•• D’après les données de l’OMS en 2015, le Japon arrive au 60ème rang mondial pour la prévalence du tabagisme : 22 % des Japonais fument. Moins que la Grèce (42 %), l’Allemagne (30 %), la France (27 %) ou la Chine (25 %), mais plus que les États-Unis (17 %) ou le Canada (15 %).
Quel que soit le pays, remarquez, l’habitat naturel du fumeur se réduit aussi vite que celui du caribou forestier, qu’on met en enclos lui aussi. L’hiver à Montréal, on va se les geler par -20 sur les trottoirs. L’été à Tokyo, on prend son numéro pour fumer dehors.