Août 232019
 

Que cela soit à l’occasion du terrible incendie de Notre-Dame ou de l’un de ces feux qui émaillent tristement l’actualité estivale … les médias nous laissent toujours entendre qu’un mégot non éteint est à l’origine de la catastrophe. Avant tout. Plus que tout.

Surtout quand ils n’ont pas la moindre ombre de soupçon de preuves. Généralement, on présente les choses comme cela : « Tout ce drame pour une raison encore inconnue des enquêteurs … (le début de la phrase est énoncé, par le commentateur, sur un ton normal), enquêteurs qui n’excluent pas l’hypothèse d’un jet de mégot … (là, brusquement le ton monte et basta. Tout est dit). Encore un satané mégot ! Encore ces irresponsables de fumeurs ! Y’a le feu, c’est un mégot ! Y’a un mégot, faut couper la tête aux fumeurs !

•• Mon propos n’est pas d’excuser le comportement strictement imbécile de certains fumeurs, sans attention pour le mégot dont il se débarrassent n’importe comment, sans s’être assurés de son extinction parfaite. Il est vrai qu’il n’y a pas de cendriers adaptés, partout et tout le temps. Mais ce n’est pas une raison pour se comporter comme un abruti. Et les buralistes ont bien raison de mettre des affiches pour rappeler les fumeurs à leurs responsabilités, comme je l’ai vu l’autre jour dans le Var.

Il n’empêche que le mégot est quasi-systématiquement cité comme première hypothèse quand on n’a pas trouvé d’autre cause. La rengaine défilant de façon implacable : pas de fumée sans feu. Donc, de feu sans mégot. Par conséquent, de mégot sans fumeur … ce criminel. Moi, j’ai le sentiment qu’à l’occasion de ces histoires de mégots incendiaires, on nous prenne pour des gogos, tout juste bon à être stigmatisés, à se trouver cloués au pilori de la société … et j’en ai marre.

•• Car j’ai eu l’occasion de trouver des statistiques sur les causes d’incendies de forêts, produites par un organisme public, dépendant du ministère de l’Intérieur et des départements de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. C’est dans cet organisme que l’on forme l’encadrement des courageux soldats du feu qui courent les pinèdes et les bosquets menacés.

Eh bien, d’après leurs stats, nos régions méditerranéennes connaissent de 2 500 à 3 000 départs de feu en forêts, par an :
. 40 % sont des actes de malveillance caractérisés …
. 15 % correspondent à des feux provoqués lors de travaux de particuliers dans leur jardin ou au bord de leur piscine …
. 15 % sont dus à des travaux agricoles et forestiers qui se terminent mal …
. 10 % à la foudre …
. Et le reste serait dû à « des imprudences ».

Imprudences de toute nature : du barbecue mal contrôlé au pétard jeté par un gamin ou aux débris de verre abandonnés. Ou aux mégots.

Mais dans quelle proportion ? Personne, parmi ceux qui combattent les feux, n’a vraiment de données. Malgré les moyens dont on dispose en termes de police scientifique. Sachant que les cigarettes disposent, depuis quelques années, d’un dispositif les amenant à arrêter leur combustion très rapidement (soit dit en passant).

•• Donc, pourquoi citer systématiquement le mégot « en premier », quand on ne connait pas la cause d’un incendie ?

Tout cela parce que cela évite de revenir à d’autres hypothèses. Plus compliquées, plus gênantes. Avec le « fumeur irresponsable » c’est plus facile. Je vous le dis, on nous prend pour des gogos.

Antoine Moquel

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