On l’attendait avec impatience le billet de Gaspard Koenig quant à l’hypothèse de la « nicotine comme agent protecteur contre le coronavirus » … D’autant qu’on n’est débordé ni par les activités, ni par les penseurs non-conformistes en ce moment.
En bon pourfendeur de l’État nounou, il y invite l’État à la modestie « notamment dans ses prescriptions sur les conduites à tenir dans notre vie quotidienne ». Extraits issus de sa tribune hebdomadaire dans les Échos.
•• « Ma chère maman, qui fume depuis un bon demi-siècle et ne répond à mes admonestations que par un irréfutable « c’est ma vie », m’a triomphalement présenté la dernière trouvaille dans la lutte contre le coronavirus : la nicotine protégerait du Covid en empêchant le virus de se fixer sur les récepteurs des cellules (hypothèse formulée par le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux). (…) Désormais, quand elle sort une cigarette, ma chère maman me lance : « je prends mon médicament ».
•• « Imaginons un instant que ce remède inattendu soit efficace . Le ministre de la Santé, soucieux de montrer l’exemple, allumera une clope en pleine conférence de presse, comme autrefois Simone Veil.
« Les images de poumons en charpie sur les paquets de cigarettes seront remplacées par des dessins de molécules de nicotine souriantes terrassant le mauvais soleil rouge du virus. Les restaurants rouvriront leurs espaces fumeurs pour rassurer la clientèle. À la radio publique, un message sera diffusé tous les matins : « Tous ensemble contre le Covid, n’oubliez pas d’en griller une ».
« La cigarette, aujourd’hui taxée, honnie, vilipendée, sera-t-elle remboursée par la Sécurité sociale ? Le tabac renouerait ainsi avec ses origines médicinales : au XVIe siècle, Jean Nicot, ambassadeur de France au Portugal qui laissa son nom à la nicotine, l’avait popularisée pour soigner les migraines de François II.
•• « La seule leçon de cette expérience de pensée, c’est l’absurdité de toutes les mesures de contrôle des comportements. L’embarras du Gouvernement qui s’empresse de préciser que le tabac tue davantage que le Covid en brandissant de macabres statistiques, en est l’illustration tragi-comique.
« L’État est pleinement dans son rôle en nous donnant toute l’information nécessaire sur les risques connus. Mais qu’il s’abstienne de juger nos choix, au risque de devoir ensuite se déjuger … Les avancées de la science, comme l’évolution des maladies, sont trop aléatoires pour faire l’objet de consignes définitives. Qui sait si, demain, le quinoa ne sera pas considéré comme un dangereux cancérigène ?
•• « Au-delà de la question du tabac, médicalement incertaine, la grave crise sanitaire que nous traversons devrait logiquement mettre un frein à la vertigineuse progression de l’État nounou.
« Il devient chaque jour plus clair que le pouvoir central a failli, que ce soit dans sa gestion du stock de masques, sa mise en place du dépistage trop tardive ou sa communication erratique. Je ne lui jette pas la pierre. Mais on peut désormais exiger de lui davantage de retenue quant au micromanagement de nos vies.
•• « Chers amis décideurs, si vous n’avez pas su empêcher – à l’inverse, semble-t-il, d’autres États démocratiques – la propagation d’un virus mortel, merci de nous laisser tranquilles avec la taille du logo femme enceinte sur les bouteilles de vin, la taxe sur les chocolats , l’homologation des gants pour moto ou l’identification sur les sites pornos.
« Ce n’est pas de nounou dont nous avons besoin, mais d’infirmières et d’infirmiers, mieux rémunérés si possible.
•• « Il est vrai que l’État nounou tire sa justification du désir croissant de protection chez les citoyens (…) Mais, là encore, l’expérience du Covid devrait changer nos mentalités. Nous aurons été exposés, pour la première fois depuis plusieurs générations, au drame à grande échelle, à la mort soudain omniprésente et aveugle.
« Notre aversion au risque devrait s’en réduire d’autant. Nous regretterons sans doute de nous interdire de vivre aujourd’hui pour la promesse de plus en plus incertaine de mourir très vieux et décrépi. Nous demanderons à l’État de nous laisser jouir. Une morale qui vaut pour toutes les générations (…) ».