En plus d’être discutable, le dernier plan anti-tabac du gouvernement présenté par Aurélien Rousseau écrase, aussi, notre libre arbitre … Peggy Sastre (journaliste scientifique et éditorialiste au Point, philosophe) signe une tribune à charge contre le troisième axe du programme instaurant la généralisation des espaces sans tabac extérieurs.
(…) Exit donc la clope et la vape dans les parcs, forêts, abords des bâtiments publics et a fortiori des établissements scolaires et sur les plages.
•• Retour du maximalisme biopolitique et hygiéniste
L’histoire ne dit pas si c’est en toute saison mais, ce qui saute aux yeux, c’est que l’argument de santé publique a piscine. Même si les liens entre tabagisme passif et problèmes de santé étaient avérés (ils le sont en réalité bien moins solidement qu’on pourrait le penser), les évoquer en cas de consommation de tabac grillé ou vaporisé à l’air libre n’a pas lieu d’être. On perçoit dès lors quel est le seul et unique risque sanitaire que de telles mesures entendent endiguer : celui que l’individu fumeur choisit de prendre sur lui-même.
Et revoilà, bien loin de la morale minimale à même d’informer les actions d’une démocratie libérale digne de ce nom – et donc d’organiser une société pluraliste – le gros État papa, maman, nounou qui s’englue dans son maximalisme biopolitique et hygiéniste. Le même qui n’est jamais plus heureux que lorsqu’il fait les gros yeux à ses « administrés » pour leur expliquer comment ils doivent se comporter, y compris et surtout lorsque aucun tiers n’est éclaboussé par leurs « déviances ».
Ici, on objectera sans doute que, dans un système de santé collectiviste, cette pudeur est saugrenue. En France, la Sécurité sociale prend en charge les dommages que les individus infligent à leur santé en consommant des produits tabagiques, et cela représente un coût énorme pour la collectivité et donc tout un chacun. Certes, mais cela ne dit rien du seuil de risque acceptable et de la légitimité qu’a l’État de le fixer toujours plus bas, à établir comme idéal le risque zéro, le principe de précaution, la prévention totale.
Comme on l’a vu durant le Covid, sous prétexte d’« aplanir la courbe » de la morbidité et de la mortalité pour préserver le système hospitalier de l’effondrement, nos dirigeants ont opté pour des mesures de fermeture totale du pays, d’enfermement des gens et de contraintes de leurs libertés. Autant de mesures qu’on n’a toujours pas fini de (cher) payer, et pas seulement sur un plan économique.
•• Entre enjeu sanitaire et recul des libertés, où est la limite ?
Voilà une certaine surréaction qui est l’expression de la même idéologie derrière l’interdiction toujours et partout de la cigarette … L’idéologie de la prise en charge de l’individu par l’État, qui prétend être le mieux placé pour définir son bien : qu’importe la variété d’arbitrages faits, par exemple, entre plaisir et perspective d’une espérance de vie réduite, fruits d’une variété de tempéraments et de psychologies.
Et c’est ce qui, au fil des mesures et des réglementations toujours plus autoritaires les unes que les autres, n’est jamais questionné. Dans ce système du bien-être garanti par l’État, où est la limite entre un véritable enjeu sanitaire et la suppression croissante de toutes sortes de libertés et de pratiques individuelles auxquelles on ne peut pourtant attribuer, ou alors au microscope, aucune nuisance extérieure ?