Là, il pousse le bouchon trop loin, le rapport de Pierre Kopp sur l’évaluation du coût social des addictions, commandité par la Direction Générale de la Santé et publié dans Le Monde la veille – comme par hasard – de l’examen au Sénat du projet de loi de Santé de Marisol Touraine …
Le rapport s’est livré à la démarche (ouvrant la porte à n’importe quelle dérive) de jauger les fumeurs, buveurs d’alcool au regard de leur coût pour la collectivité ! Et là, les calculatrices des experts ont chauffé : les 13,4 millions fumeurs coûteraient (en morts, maladies, soins, etc.) quelque 120 milliards (idem pour les 3,8 millions d’usagers à risque d’alcool). Bien plus que les recettes fiscales engrangées sur ces « drogues licites ». Conclusion : le fumeur doit encore et encore payer … pour ses fautes (doublement du prix du tabac).
Et voilà, après avoir été stigmatisé et vilipendé, le fumeur est clairement désigné dans ce rapport comme un « asocial » et un « fauteur de catastrophe économique ». Comme si un fumeur passait ses journées à fumer et à ne rien faire d’autre !
À l’inverse de bien d’autres addictions, le tabac n’empêche pas de travailler, de participer pleinement à la société et à son économie, de contribuer notamment au budget de l’État (via ses impôts, ses contributions sociales et, en plus, la forte taxation du tabac).
Qu’on arrête de lui faire porter la responsabilité des déficits publics !
Qu’on arrête de lui faire « payer » l’absence totale d’investissement dans la prévention contre le tabagisme de la part de l’Etat (la calculette de Pierre Kopp n’a pas fonctionné cette fois) !
Qu’on arrête de le stigmatiser, alors qu’il est victime, comme les autres, de la dégradation de son environnement (de la pollution à la mal bouffe, etc.).
Tout aussi inquiétant dans ce rapport, c’est d’apprendre que ces experts n’hésitent pas évaluer … la « valeur moyenne d’une vie en France ». On est ainsi « content » d’apprendre qu’une vie entière équivaut à « 3 millions d’euros » soit « 115 000 euros par année ». Révoltant. Notre vie réduite en une statistique !
On voit bien à quoi veulent en arriver ces rois de la statistique et, in fine, nos gouvernants : catégoriser le citoyen uniquement à travers l’angle comptable « dépenses / recettes ». Pour « hiérarchiser les problèmes afin de mieux éclairer les choix d’engagement de dépenses publiques », assure, cyniquement, Pierre Kopp !
Attention danger, car ce mode de gouvernance est plus proche de la discrimination arbitraire que de la recherche du bien public.
Sophie Adriano