Nov 142021
 

La Cour du Québec a décidé que fumer une cigarette sur scène « n’est pas un geste artistique » et que, par conséquent, aucun théâtre ne peut se soustraire à la loi antitabac.

La chroniqueuse de La Presse.ca, Chantal Guy – qui avoue ne pas réussir à arrêter pour de bon – livre un pamphlet sarcastique sur une énième humiliation des fumeurs « dans l’indifférence totale, puisque ce sont des pestiférés. On est dans la suite logique de la lutte contre le tabagisme ». Extraits

En lisant un peu plus sur cette nouvelle, j’ai appris cependant qu’il s’agissait de cigarette de sauge, pratique courante au théâtre et au cinéma pour recréer la cigarette sans la nicotine – on ne va pas forcer les comédiens à se droguer … Là, j’avoue que je suis embêtée, car je ne connais pas les effets de la fumée secondaire de la sauge. Mais peu importe, comme fumer, c’est mal, montrer un personnage qui fume du persil ou de la valériane, c’est mal, j’imagine. Je ne m’obstine pas.

•• Comment en est-on arrivé là ? Il suffit d’avoir dans la salle un seul spectateur outré par une cigarette de sauge pour que la machine s’enclenche. Faut vraiment être zélé ou être un ex-fumeur très frustré.

C’est ainsi que trois théâtres de Québec ont vu débarquer des inspecteurs du ministère de la Santé et des Services sociaux et ont reçu des amendes, qu’ils ont contestées. Le juge leur a donné tort, car il estime que fumer « n’a aucun contenu expressif » et qu’il y a d’autres moyens de livrer « l’âme d’une représentation théâtrale » … Bref, interdire de fumer sur scène n’entraverait pas la liberté d’expression.

C’est très sérieux, la lutte contre le tabagisme, si vous ne le saviez pas, même quand il s’agit de sauge, car c’est tout ce qui se fume qui est interdit dans un lieu public. On veut vraiment l’avoir, notre monde sans fumée, et au théâtre … Si ça se trouve, c’est peut-être le même spectateur dans les trois cas, amant du théâtre et chevalier antitabac … On est plus ici dans une culture de délation, celle qui appelle les autorités, et qui existe de tout temps (…) 

•• Le lobby antitabac a gagné pratiquement tous ses combats, il ne lui reste plus qu’à traquer les derniers récalcitrants et les derniers détails jusqu’à l’éradication complète de la nicotine

Mais je n’ai jamais rien entendu d’intelligent sur la nicotine, à part dans le livre Au feu du jour d’Annie Leclerc, qui a tenu son journal de sevrage. « La cigarette est la prière de notre temps », écrivait-elle en 1979. Ou chez Cioran, qui disait avoir perdu son âme en arrêtant de fumer.

La nicotine est devenue essentiellement une question de morale et de santé publique, personne ne s’interroge sur ce que cette drogue procure réellement au-delà de ses dommages bien réels. Une drogue consommée frénétiquement par des gens comme René Lévesque, Beauvoir, Sartre ou Camus, si bien qu’il m’arrive de penser que la chute de l’intelligence en Occident est directement liée à l’interdiction de cette substance, bien plus qu’à l’arrivée des réseaux sociaux, où on semble se défouler pour combattre une dépendance oubliée.

Quand je vois quelqu’un consulter son téléphone toutes les 15 minutes, je sais que je suis devant un drogué qui ressemble beaucoup au fumeur, avec son besoin constant de dopamine. Il n’émet peut-être pas de fumée secondaire, mais qui sait s’il ne pollue pas l’environnement avec des idées toxiques ? (…)

•• La marche pour un monde sans fumée est depuis longtemps en branle, peu importe si elle nous mène dans un monde de plus en plus irrespirable. Quand on est incapable d’avoir un minimum de contrôle sur le parc automobile, les émanations de carbone, le smog, le réchauffement climatique et la sixième extinction de masse, on peut au moins taper sur les fumeurs pour se donner l’illusion d’un monde sain. 

Et même sur des comédiens qui font semblant d’en griller une vraie sur scène, comme si ça allait nous sauver. Mais on se demande si, pour avoir des poumons roses, il faudra aussi porter des lunettes roses devant toute production artistique.

« Cachez ce fumeur que je ne saurais voir » dirait Tartuffe aujourd’hui.

Oct 012019
 

À la fois comédien, présentateur, chroniqueur, humoriste, auteur et réalisateur, Mathieu Ducrez interprète, sur les planches du Théâtre Montmartre Galabru (Paris), « Confessions d’un fumeur ».

Le pitch : à 15 ans, Mathieu commence à fumer pour se prouver qu’il est un homme, 30 ans plus tard, il essaie d’arrêter pour la même raison.

Sur scène, au début, le personnage tient encore une cigarette et va raconter sa vie « en fumée », avec humour et lucidité. L’occasion de comprendre les mécanismes de la dépendance au tabac, une prise de conscience qui va l’amener à « redevenir enfin libre ».

Co-écrit avec des anciens fumeurs, le spectacle se veut tragi-comique, délivrant souvenirs et anecdotes : « la vie d’un fumeur est suffisamment absurde tordue et compliquée pour que tous les ingrédients de la comédie y soient réunis. Ce qu’on voulait absolument éviter c’était d’être moralisateur ou culpabilisateur » explique Mathieu. Lire la suite »

Sep 082017
 

Une leçon de rébellion bienvenue, dans ce temple du « rire de résistance » qu’est le Rond-Point de Jean-Michel Ribes à Paris.

La pièce « La nostalgie des blattes », écrite sur mesure par Pierre Notte, met en scène deux « vieilles vaches » (interprétées par Catherine Hiegel et Tania Torrens) qui n’ont jamais cédé au jeunisme triomphant, refusant botox et lifting avec dédain. Les voici exposées comme des bêtes de foire dans un musée, dans un monde aseptisé, javellisé, où on mange des « barres de légumes lyophilisées et sans gluten ».

Elles attendent le public (qui ne viendra pas), derniers vestiges d’un monde disparu sous les attaques de drones et régenté par une « brigade sanitaire » impitoyable, qui traque tout comportement déviant : consommation de sucre ou de tabac … Il faut voir Catherine Hiegel tirer avec volupté sur « la dernière cigarette », tout en fustigeant de sa voix de fumeuse la brigade sanitaire qui rode. Lire la suite »

Sep 102015
 

Festival d'humourCe n’est pas un slogan pro-tabac, mais le titre du spectacle présenté au Festival d’humour « Histoire d’en rire » de Vaison-la-Romaine, interprété par Marc Susbielle et écrit par Thomas Bidegain, co-scénariste de Jacques Audiard (« De rouille et d’os », « Un prophète », « Dheepan »), de « La famille Bélier » et « Saint-Laurent » …

« Arrêter de fumer tue » retrace de manière drôle et savoureuse les affres d’un fumeur qui veut en finir avec le tabac ; et c’est inspiré de leurs expériences personnelles. Explications de Marc Susbielle.

« Mon personnage se pose beaucoup de questions, montre de la mauvaise foi, a une part d’irrationnel. Pour lui, arrêter de fumer marque une rupture avec sa jeunesse. Il se dit que les années qu’il va gagner ne seront pas les meilleures de sa vie. Une fois qu’il a pris la décision d’arrêter, il compense avec l’alcool, la nourriture. C’est un anti-héros qui se débat dans son tabagisme un peu comme un clown. Il est amoureux de la cigarette et en même temps il veut s’en libérer.

« Le spectacle n’est pas un patch anti-tabac. Il ne s’agit pas d’être moralisateur. C’est un divertissement qui donne à réfléchir aussi, mais sans culpabiliser. On joint l’utile à l’agréable. On met en évidence combien c’est galère d’arrêter de fumer, et que donc, il vaut beaucoup mieux ne jamais commencer. Moi qui suis prof, le spectacle marche bien auprès des jeunes. Ils voient les dégâts causés par le tabac. Pour s’adresser à eux, il y a des biais à trouver, car les images choc ne les touchent pas. J’essaie d’éveiller leur sens critique ».