Alors que la France arde de ses mille feux … les fumeurs ont eu chaud.
On ne sait pas encore exactement ce qui a provoqué tous ces départs d’incendie qui ont abouti en un embrasement général de l’actualité mais pour le moment on échappe à l’histoire du « sale fumeur irresponsable, inconscient et criminel qui a foutu le feu à la forêt».
Car c’est devenu un cliché. Un feu en forêt, un abruti de fumeur ne devait pas être loin … Et pourtant l’activité humaine, sous toutes ses formes, ne manque pas de faire des étincelles dont certaines peuvent s’avérer malencontreuses voire criminelles : du barbecue au bricolage en passant par l’utilisation d’engins tout terrain de toute sorte.
Et puis, la nature elle-même, déboussolée par le dérèglement climatique, qui s’embrase toute seule.
Et enfin, il y les pyromanes, dérangés mentaux ou cas de malveillance économique, voire foncière. Au ministère de l’Intérieur, on leur attribue 10 % des départs d’incendie. Des spécialistes disent que cela devrait être plus. En Australie, près de la moitié des incendies sont attribués à des actes volontaires.
Pour le moment, le fumeur ne sert pas de bouc émissaire. Croisons les sabots. Notre statut de vache à lait fiscal leur suffit.
La Cour du Québec a décidé que fumer une cigarette sur scène « n’est pas un geste artistique » et que, par conséquent, aucun théâtre ne peut se soustraire à la loi antitabac.
La chroniqueuse de La Presse.ca, Chantal Guy– qui avoue ne pas réussir à arrêter pour de bon – livre un pamphlet sarcastique sur une énième humiliation des fumeurs « dans l’indifférence totale, puisque ce sont des pestiférés. On est dans la suite logique de la lutte contre le tabagisme ». Extraits
En lisant un peu plus sur cette nouvelle, j’ai appris cependant qu’il s’agissait de cigarette de sauge, pratique courante au théâtre et au cinéma pour recréer la cigarette sans la nicotine – on ne va pas forcer les comédiens à se droguer … Là, j’avoue que je suis embêtée, car je ne connais pas les effets de la fumée secondaire de la sauge. Mais peu importe, comme fumer, c’est mal, montrer un personnage qui fume du persil ou de la valériane, c’est mal, j’imagine. Je ne m’obstine pas.
••Comment en est-on arrivé là ? Il suffit d’avoir dans la salle un seul spectateur outré par une cigarette de sauge pour que la machine s’enclenche. Faut vraiment être zélé ou être un ex-fumeur très frustré.
C’est ainsi que trois théâtres de Québec ont vu débarquer des inspecteurs du ministère de la Santé et des Services sociaux et ont reçu des amendes, qu’ils ont contestées. Le juge leur a donné tort, car il estime que fumer « n’a aucun contenu expressif » et qu’il y a d’autres moyens de livrer « l’âme d’une représentation théâtrale » … Bref, interdire de fumer sur scène n’entraverait pas la liberté d’expression.
C’est très sérieux, la lutte contre le tabagisme, si vous ne le saviez pas, même quand il s’agit de sauge, car c’est tout ce qui se fume qui est interdit dans un lieu public. On veut vraiment l’avoir, notre monde sans fumée, et au théâtre … Si ça se trouve, c’est peut-être le même spectateur dans les trois cas, amant du théâtre et chevalier antitabac … On est plus ici dans une culture de délation, celle qui appelle les autorités, et qui existe de tout temps (…)
••Le lobby antitabac a gagné pratiquement tous ses combats, il ne lui reste plus qu’à traquer les derniers récalcitrants et les derniers détails jusqu’à l’éradication complète de la nicotine.
Mais je n’ai jamais rien entendu d’intelligent sur la nicotine, à part dans le livre Au feu du jour d’Annie Leclerc, qui a tenu son journal de sevrage. « La cigarette est la prière de notre temps », écrivait-elle en 1979. Ou chez Cioran, qui disait avoir perdu son âme en arrêtant de fumer.
La nicotine est devenue essentiellement une question de morale et de santé publique, personne ne s’interroge sur ce que cette drogue procure réellement au-delà de ses dommages bien réels. Une drogue consommée frénétiquement par des gens comme René Lévesque, Beauvoir, Sartre ou Camus, si bien qu’il m’arrive de penser que la chute de l’intelligence en Occident est directement liée à l’interdiction de cette substance, bien plus qu’à l’arrivée des réseaux sociaux, où on semble se défouler pour combattre une dépendance oubliée.
Quand je vois quelqu’un consulter son téléphone toutes les 15 minutes, je sais que je suis devant un drogué qui ressemble beaucoup au fumeur, avec son besoin constant de dopamine. Il n’émet peut-être pas de fumée secondaire, mais qui sait s’il ne pollue pas l’environnement avec des idées toxiques ? (…)
••La marche pour un monde sans fumée est depuis longtemps en branle, peu importe si elle nous mène dans un monde de plus en plus irrespirable. Quand on est incapable d’avoir un minimum de contrôle sur le parc automobile, les émanations de carbone, le smog, le réchauffement climatique et la sixième extinction de masse, on peut au moins taper sur les fumeurs pour se donner l’illusion d’un monde sain.
Et même sur des comédiens qui font semblant d’en griller une vraie sur scène, comme si ça allait nous sauver. Mais on se demande si, pour avoir des poumons roses, il faudra aussi porter des lunettes roses devant toute production artistique.
« Cachez ce fumeur que je ne saurais voir » dirait Tartuffe aujourd’hui.
C’est le Mois sans Tabac … Alors que plusieurs villes françaises, de toute taille, annoncent l’interdiction de fumer dans certaines zones en extérieur, l’« Espace sans tabac ». Ce qui fait bondir Nathan Devers : agrégé de philosophie, auteur d’« Espace fumeur », jeune ancien fumeur (voir 22 juin).
Dans une tribune de Figaro Vox, il dénonce cette vieille tendance de l’État à considérer qu’il est légitime de déterminer à leur place ce qui est sain pour les citoyens.
De prime abord, un quasi fait divers. Une dépêche insignifiante, presque sympathique, à tout le moins bénigne : des zones sans fumeurs (…) Les citoyens pourront s’y promener en paix, sans être incommodés, sans être intoxiqués, sans être assassinés par les fumeurs et leur mauvais exemple. Autour d’eux, plus d’odeurs qui empestent, plus de volutes grises, plus d’attitudes nocives. On aura enfin débarbouillé les rues de ces semi-drogués, de tous ces inconscients qui prennent plaisir à se mettre en danger (…) Lire la suite »
Ils ont encore frappé fort, ces dernières semaines.
•• Prix. Lors de la dernière augmentation du 1er novembre (point d’orgue du paquet à 10 euros), on a entendu parler de pause fiscale pour 2021. Pour l’industrie du tabac et les débitants, peut-être … mais on s’aperçoit qu’il y a une nouvelle grille de prix applicable au 1er janvier et le matraquage continue.
Marlboro, Rothmans, certaines Lucky Strike … s’affichent à 0,10 euro de plus. La Marlboro cartonne à 10,50 euros désormais.
De quoi optimiser le juteux marché français avec les paquets les plus chers d’Europe alors que les Français ne décrochent pas tant que ça du tabac classique.
••Achats frontaliers. Tempête sous un crâne à la frontière franco-andorranne pour les emplettes tabac.
En fonction du site de résidence, les quantités autorisées ne sont pas les mêmes. Et les automobilistes contrôlés un par un par les douaniers au début, ont eu du mal à comprendre les règles du jeu, faute de mode d’emploi clair et net.
En résumé, c’est 2 paquets pour les « frontaliers immédiats » (15 kilomètres à vol d’oiseau, alors que peu de gens n’habitent dans ces montagnes ), pour les autres c’est 300.
La communication n’a été ni brillante ni claire, et les douaniers ont peut-être des missions plus importantes que de compter une par une les cigarettes. Mais là aussi l’État cherche à préserver les recettes d’une manne fiscale aboutissant au paquet le plus cher d’Europe.
•• Mois sans Tabac. Quelle idée de lancer une nouvelle édition de cette campagne anti-tabac en pleine pandémie ! Aveugles et bornées les autorités sanitaires, le fiasco était annoncé : 125 783 inscrits sur le site « on arrête ensemble » contre 203 175 l’année dernière.
Il était quasi certain que privé de sorties et de distractions, on n’allait pas se brancher sur une appli vous relançant toutes les 30 minutes avec une question énervante (« tu tiens, bravo » « tu as rejoint la communauté, bravo »). Pas très fins psychologues les experts tabacologues.
Comment voulez-vous adhérer ensuite à des opérations gérées par des experts « à côté de la plaque » qui ne captent pas les bonnes priorités au bon moment. Il en est de leur crédibilité. Tant pis pour eux.
Bonne fin d’année tout de même et formons le vœu que tous ces acteurs impitoyables qui prennent les fumeurs pour des « débiles addicts » s’attachent à fournir un produit de qualité à la hauteur de son prix : avec le paquet neutre, les goûts avaient changé ; avec le paquet à 10 euros, ça recommence !
« Nous sommes 13 millions » s’adresse aux fumeurs adultes et responsables. En application de la législation française sur le tabac, les mineurs de moins de 18 ans ne sont pas autorisés à naviguer sur ce site.